Programme détaillé de la journée d'étude

Session 1 - Pratiquer l'open access aujourd'hui: pourquoi, comment, où ?

La Loi pour une République numérique, quelles conséquences ? (Lionel Maurel)

La faculté pour les chercheurs de pouvoir déposer leurs publications dans des archives ouvertes dépend étroitement des cessions de droit consenties aux éditeurs scientifiques lors de la signature des contrats d'édition. Les éditeurs ont peu à peu été amenés à se positionner vis-à-vis de l'Open Access et à déclarer des politiques précisant quels types de publications pouvaient être déposés et au terme de quel délai après la parution de la revue (embargo). Il en résultait une situation relativement complexe, laissant aux chercheurs le soin de vérifier les conditions de possibilité des dépôts revue par revue, avec parfois des incertitudes.

Pour clarifier cette situation, le législateur français, imitant des solutions mises en place précédemment en Allemagne et en Italie, a décidé par le biais de la loi République Numérique d'accorder un nouveau "droit d'exploitation secondaire", qui va permettre d'uniformiser les conditions de dépôt des articles scientifiques dont le financement est assuré au moins pour moitié par des fonds publics. Quelles que soient les clauses des contrats d'édition signés par les chercheurs, ceux-ci conserveront à présent toujours le droit d'effectuer un dépôt de leurs articles dans une archive ouverte ou sur un site personnel. La loi fixe cependant des délais - 6 mois pour les sciences exactes et 12 mois pour les sciences humaines et sociales - durant lesquels l'éditeur conserve l'exclusivité complète sur la publication.

Si cette loi peut favoriser le développement de l'Open Access en France, il est important de déterminer précisément ses conditions d'application : quels types de publication couvre-t-elle exactement ? Quelles versions des articles peuvent être déposées ? Sur quels sites et dans quelles conditions les chercheurs pourront diffuser leurs productions ? Quel impact sur les données de recherche associées aux articles ? Quelle portée sur les éditeurs étrangers ?

 

Les deux voies de l'open access (Isabelle Autran, Christine Berthaud, Odile Contat)

Rendre ses travaux scientifiques accessibles à tous, oui, mais comment ? Aujourd’hui, plusieurs types de pratiques existent :
- la voie dorée (ou Gold Open Access) consiste à négocier avec un éditeur pour publier directement et nativement en libre accès, quitte à ne proposer sous cette forme qu’une version minimale de la publication (lecture seule au format HTML par exemple) et à proposer des services supplémentaires moyennant rétribution (téléchargement PDF). Isabelle Autran nous présentera comment les Presses universitaires de Université Paris Nanterre se sont engagées dans cette voie dorée, en proposant certaines de leurs revues en accès libre via le site Revues.org.
- la voie verte (ou Green Open Access), elle, consiste en l’archivage par l’auteur lui-même de sa production, avant ou après publication par un circuit classique, au sein d’une archive ouverte institutionnelle, disciplinaire, nationale ou internationale. Christine Berthaud présentera l’archive ouverte nationale HAL, qui est la voie choisie par l’Université Paris Nanterre pour augmenter la visibilité des travaux de ses membres et la possibilité d’y accéder, ainsi que pour conserver la mémoire scientifique de l’établissement.
- quant aux réseaux sociaux de la recherche (Academia.edu, ResearchGate...), ils sont souvent envisagés comme des plateformes idéales pour partager ses publications. Nous verrons avec Odile Contat que si ces sites présentent à première vue beaucoup de points communs avec la voie verte, ils n'ont en réalité pas grand-chose à voir avec une démarche d'open access.

L'open access, au service de la visibilité de la recherche et des chercheurs ? L'expérience d'ORBi (Paul Thirion)

Comme bien d’autres établissements scientifiques, l’université de Liège s’est lancée il y a quelques années dans le grand bain de l’open access en choisissant d’emprunter la voie verte. En 2007 est ainsi née ORBi (Open Repository and Bibliography), archive ouverte propre à l’établissement mais dont le contenu est indexé et récupéré (moissonné) par de nombreux autres portails, lui donnant ainsi une visibilité considérable.

Mais la particularité d’ORBi tient au fait que dès la création de l’archive, le Conseil d’Administration de l’université de Liège a mis en place une politique obligatoire de dépôt des références et documents. Ainsi, ORBi concentre dans un seul réservoir l’ensemble de la production scientifique de l’établissement, afin d’en donner la visibilité la plus large possible.
Pourquoi avoir choisi d’imposer le dépôt des publications dans ORBi ? Cette décision a-t-elle eu un impact sur la valorisation de la recherche à l’université de Liège ? sur la visibilité des chercheurs eux-mêmes ?

L'open access au coeur des pratiques des chercheurs de Nanterre: retours d'expérience (Frédérique Leblanc, Julien Schuh, Christophe Parisse)

Le portail HAL de l’Université Paris Nanterre a été créé le 5 juillet 2016. Dès son ouverture, il rassemblait plus de 4500 publications disponibles en texte intégral, et 13000 notices de documents, du fait de dépôts effectués dès avant cette date dans l’archive générique HAL ou HAL-SHS par des chercheurs de l’établissement. Depuis la rentrée de septembre, plusieurs laboratoires de l’université ont par ailleurs accepté d’être les premiers à déposer leurs publications dans ce nouveau portail institutionnel, jouant le rôle de pilotes.

Quelles sont les motivations qui ont poussé ces chercheurs à déposer leurs travaux en open access ? Quels ont pu être les freins rencontrés ? Comment s’est passée cette phase pilote, et qu’en ont-ils retiré ? Quels usages les chercheurs de l’établissement ont-ils des ressources en open access ? Quelles différences peuvent être observées entre les disciplines ? C’est à l’ensemble de ces questions que cette table ronde s’efforcera de répondre.

Session 2 - Au-delà de l'open access, de nouvelles manières de divulguer la recherche ?


Vers de nouvelles formes d'édition scientifique (Michaël Bon, Christine Berthaud, Julien Bordier, Sarah Gensburger)


Qu’il emprunte la voie dorée ou la voie verte, le libre accès remet en question les relations entre chercheurs, éditeurs scientifiques et éditeurs commerciaux : si tout chercheur peut partager librement ses travaux sur internet, les revues scientifiques ont-elles encore un rôle à jouer en dehors des questions d’évaluation bibliométrique ? Quelle plus-value les éditeurs commerciaux apportent-ils à un texte scientifique dès lors que le travail de relecture et d’édition scientifique est opéré gratuitement par d’autres chercheurs ? Est-il possible de s’en passer pour revenir à des échanges libres et gratuits entre pairs ? D’autres types de revues peuvent-ils émerger ? Plusieurs des intervenants à cette table ronde ont eu l’idée de mettre en place des systèmes innovants pour partager les résultats de la recherche scientifique. Ainsi la plateforme Episciences, gérée tout comme HAL par le CCSD, s’appuie-t-elle sur le libre accès considéré comme un préalable indispensable à la constitution d’un numéro de revue. Quant au Self Journal of Science, il s’est donné pour mission de fournir à la communauté scientifique les outils indispensables pour co-construire la recherche et redéfinir de manière communautaire la notion de valeur scientifique, non seulement en proposant un hébergement à des travaux de recherche, mais surtout en offrant aux chercheurs des outils d’open-peer-reviewing, renouant avec une tradition de « sociabilité savante » marquée par l’avènement des réseaux sociaux. Cette démarche d'open-peer-reviewing a également été mise en place par OpenEdition, dans le cadre d'une expérience menée avec la revue Vertig0, au cours de laquelle les modifications et commentaires apportés à un texte soumis à la revue ont été intégralement publiés, de façon à rendre le processus d'évaluation scientifique le plus transparent possible.
L’évolution d’internet a en effet fortement influencé celle de la science et de la communication scientifique, et les chercheurs n’ont pas hésité à s’emparer des nouveaux outils du web, tels que les blogs, ou carnets de recherche (sur la plateforme Hypothèses par exemple). Quelles opportunités ces outils apportent-ils à la recherche ? Peut-on considérer ces pratiques d’édition comme de la publication scientifique en libre accès ? Comment peuvent-elles s’articuler aux pratiques actuelles, qu’elles soient « traditionnelles » (revues) ou émergentes (Episciences, Self Journal of Science) ?

Encore plus loin dans l'open access: partager les matériaux de la recherche (Hans Ijzerman, Aurore Cartier, Ghislaine Glasson Deschaumes)


Depuis 2006, la Commission européenne recommande aux chercheurs qui travaillent grâce à des fonds d’origine publique de publier les résultats de leurs recherches en libre accès. Cette recommandation est même une obligation pour les chercheurs qui participent au programme européen Horizon 2020, et inclut les données de recherche pour les projets inscrits dans le pilote Open Research Data.

Pour permettre les chercheurs à diffuser leurs matériaux scientifiques dans les meilleures conditions possibles, des outils ont été développés ces dernières années. Le projet européen FOSTER (Facilitate Open Science Training for European Research) propose ainsi à tous les acteurs de la recherche des formations à l’open science. Dans ce cadre, les universités Paris-Descartes et Paris-Diderot ont élaboré des recommandations pour la rédaction de Data Management Plans, à destination de leurs chercheurs.

Une fois formés à la gestion de leurs données, les chercheurs ont ensuite à leur disposition plusieurs dispositifs et plateformes, pour mettre en pratique ce partage scientifique. Open Science Framework, logiciel développé par le Center for Open Science, propose ainsi d’héberger les fichiers, jeux de données et protocoles liés à vos recherches, et de les rendre accessibles à d’autres chercheurs, conformément à l’exigence de reproductibilité qui fait l’essence même de la démarche scientifique.

Autre exemple de service aux chercheurs : la plateforme Nakala, développée par la Très Grande Infrastructure de Recherche Huma-Num, offre aux équipes de recherche les moyens techniques de stocker et rendre accessibles leurs données de manière pérenne, mais aussi de les rendre interopérables. C’est cette solution qu’a choisi le Labex Les passés dans le présent pour entreposer ses données: le témoignage de Ghislaine Glasson Deschaumes, chef de projet du labex, permettra de contextualiser la question de la mise en commun des matériaux de la recherche, avec leurs différentes strates temporelles et leurs différents supports, et d'apporter des éclairages sur les enjeux pour les établissements de grands chantiers numériques comme ceux du labex.

Mis à jour le 05 décembre 2016